Entrepreneur, influenceur... cherchez l'erreur ?
“Comment souhaitez-vous que je vous présente ? Influenceuse, ça vous convient ?” Après 30 minutes d’interview à parler de la création de AIME, notre croissance et les challenges rencontrés, cette question me déstabilise. Je pensais que notre échange avait répondu à la question. Il semblerait que non, ce qui m’amène à cette réflexion…
Ma communauté s’est construite au fur et à mesure de mon parcours. J’ai ouvert mon tout premier blog It’s delicious alors que j’étais étudiante en khâgne. La cuisine est ma soupape de créativité entre deux dissertes de philosophie. Ce blog, lu uniquement par ma famille et mes amis, devient mon carnet de bord pendant mon Erasmus en Suède. A mon retour en France, je le renomme La Vie en Blonde, le contenu devient plus beauté. Je viens alors de rencontrer mon futur mari et je rêve de travailler dans la presse féminine. Sans contact dans ce milieu, je vois ce blog comme mon meilleur CV. Dans la foulée je créé une page Facebook La Vie en Blonde. Je me souviens encore du moment où j’ai passé la barre des 1000 abonnés. Une fierté immense. En 2010, un article du ELLE sur l’émergence des blogs beauté en France (“la génération Beautysta””) donne une visibilité inespérée à mon jeune blog. Deux ans plus tard, j’abandonne mon blackberry adoré pour ouvrir un compte Instagram qui n’était alors disponible que sur iPhone. Je suis jeune mariée et viens de créer ma première entreprise, Joliebox. Qui n’aurait certainement pas vu le jour sans ma communauté.
Le fameux article du ELLE que je garde précieusement.
Entrepreneuse, blogueuse…? Nous sommes en 2012 et déjà mon profil soulève des questions. Lors de notre première levée de fonds, un des investisseurs demande à ce qu’une clause soit ajoutée dans mon contrat afin de quantifier le temps passé sur mon blog et mes réseaux sociaux. Un de mes anciens associés va même jusqu’à me demander d’arrêter La Vie en Blonde pour simplifier le processus. Je suis blessée mais je ne cède pas. J’ai l’intime conviction que ma communauté est ma plus grande force et richesse. A l’époque le terme d’influenceur n’existe pas. Dans les interviews on me définit comme “blogueuse”. Ce que je trouve réducteur mais que je n’ose pas contredire. Je suis très jeune, j’ai 25 ans et je souffre du syndrome de l’imposteur. Je suis la seule fille parmi 5 associés. J’excelle en tendances beauté quand d’autres maîtrisent Excel
. Je suis jetée dans le grand bain du management. J’ai l’impression que je vais me noyer. J’ai le sentiment permanent de manquer de légitimité. Je manque de repères et de modèles. Je ne sais pas à quoi ça ressemble, mais je n’ai pas l’impression de ressembler à une entrepreneuse.
Au fur et à mesure des années, ma communauté Instagram grandit, notre société aussi. De manière intuitive et organique, ma présence sur les réseaux sociaux nourrit mon activité professionnelle et vice versa. Moins Birchbox me ressemble, plus mes réseaux sociaux deviennent mon moyen de m’exprimer. Je commence à faire quelques collaborations avec des marques, j’écris mon premier livre Une Question d’équilibre. Puis je prends la décision de partir pour lancer AIME. C’est un saut dans le vide mais avec le meilleur des matelas. Vous. Nous sommes en 2018 et pour la première fois je me sens entrepreneuse. Si je regarde la définition : un entrepreneur est un chef d'entreprise qui possède les compétences et la motivation suffisantes pour créer une activité économique, se lancer sur un secteur d'activité, créer des emplois. Plusieurs éléments caractérisent un entrepreneur : une implication forte dans son projet, un investissement matériel et/ou moral important, une personnalité marquée par un leadership naturel. C’est moi, c’est nous. AIME a 4 ans, nous avons 30 salariés, et personne d’autre que moi et François (mon associé) ne prend de décisions.
AIME c’est comme une évidence pour moi. Je suis exactement là où je devais être. C’est ce qui me fait vivre au quotidien. J’ai une chance inouïe de vous avoir à mes côtés, certaines depuis mes débuts comme stagiaire. Nous avons grandi ensemble. J’ai conscience que ma présence sur les réseaux sociaux me donne une visibilité, des opportunités incroyables et une forme d’influence. Que je ne renie pas mais que je ne laisse pas me définir. 140 000 followers c’est beaucoup mais c’est aussi très peu à l’ère des influenceurs aux millions de followers. Rien ne s’est fait du jour au lendemain, j’ai tout construit organiquement, avec le temps. Je continue à faire des collaborations comme avec Figaret qui avait mis en lumière trois profils de femmes entrepreneuses, ou bien la dernière en date avec Kimaï une marque de joaillerie éthique, créée par deux femmes talentueuses que j’aime beaucoup, Jess et Sidney. Je fonctionne à l’instinct pour tout ce que je fais. Il m’aura fallu 10 ans mais je peux le dire, je suis entrepreneuse.